Un dispositif créé pour stabiliser la situation de femmes confrontées à la grande précarité et aux vulnérabilités multiples
Au sein du dispositif Passer’Elles, qui sont les personnes accueillies ?
VL : Nous rencontrons des femmes isolées, parfois maman, très vulnérables, en situation d’errance. Ce sont des femmes qui cumulent plusieurs problématiques : polytraumatismes, violences répétées, grande précarité, rupture familiale… À Passer’Elles, ce sont vingt femmes qui vivent ensemble dans une petite unité collective, et qui toutes ont été exposées à des violences dans la rue avant d’arriver jusqu’à nous.
Le dispositif Passer’Elles a été ouvert en 2024. Quel était son objectif ?
VL : Le dispositif a pour but de créer un lieu sécurisé, comme un refuge, pour stabiliser des femmes particulièrement vulnérables dans la rue. On vise trois axes : sécuriser, accompagner au quotidien, et orienter vers un hébergement durable. On travaille en très grande proximité avec elles, et avec l’équipe médico-éducative d’Oppelia Charonne, qui apporte tout un important et essentiel volet de soins et de réduction des risques selon les problématiques de santé rencontrées par chacune.









Accompagner la reconstruction, reconstruire le sentiment d’humanité
Qu’est-ce qui permet à ces femmes de commencer à se reconstruire au sein de Passer’Elles ?
VL : à leur arrivée, elles ont faim, elles sont épuisées, et sont souvent dans un profond état de stupeur et de fatalité quant à leur situation. Notre équipe est alors la première à les accueillir, à entendre ce qu’elles ont vécu, à accompagner les démarches d’urgence. Ensuite, l’équipe médico-éducative d’Oppelia Charonne prend le relais pour les soins liés aux éventuelles addictions, le suivi psychiatrique, la réduction des risques. Ce qui les aide vraiment, c’est cette approche pluridisciplinaire, très adaptable.
Mais la base, pour moi, c’est de remettre de l’humanité. Beaucoup nous disent : “Ça fait longtemps qu’on ne m’a pas appelée par mon prénom.” ou bien “Ça fait longtemps qu’on ne m’a pas demandé comment j’allais.”. Le fait qu’on les regarde par un autre prisme que celui de leurs addictions, de leurs corps ou des violences qu’elles ont subi, ça change tout. C’est souvent en les considérant comme des personnes à part entière, qu’elles retrouvent un sentiment d’humanité.
Existe-t-il des idées reçues sur les origines sociales de ces femmes que vous aimeriez déconstruire ?
VL : Oui, beaucoup. On imagine encore qu’il existe un “profil type”. Ce n’est pas la réalité que nous constatons à Passer’elles. Nous avons accueilli des femmes qui ont eu une vie stable : un emploi , une vie de famille, parfois un haut niveau d’études ou même une situation socio-économique considérée comme élevée. Le point commun, ce n’est pas leur milieu social : ce sont leurs polytraumatismes. Toutes arrivent avec une accumulation de violences et d’accidents de la vie qui ont marqué leur parcours.
“Juste les regarder”
S’il y a un message que vous souhaitez transmettre pour cette journée mondiale contre les violences faites aux femmes, lequel serait-ce ?
VL : Que ces femmes ont d’abord besoin qu’on les écoute, mais aussi qu’on les regarde. Sans jugement. Il existe peu d’écrits sur les violences faites aux femmes en situation d’errance et leurs réalités sont encore peu discutées. Alors qu’un geste simple, un regard, un espace où se sentir en sécurité, peut être le premier pas pour qu’elles se sentent à nouveau considérées et retrouvent un sentiment de dignité.